Littérature générale

Two Boys Kissing : un (très) long baiser pour la liberté

Dans le roman choral Two Boys Kissing, David Levithan nous plonge avec tendresse dans la jeunesse LGBT du début du 21e siècle avec, pour point de départ, un baiser pour la liberté.

Résumé

Craig et Harry ne sont plus en couple. Ils vont néanmoins tenter de battre ensemble le record du monde du plus long baiser : un marathon de 32 heures non-stop. Les parents d’Harry les soutiennent. Ceux de Craig n’en savent rien, et il vaut mieux que cela reste ainsi.

Peter et Neil eux, sont en couple depuis un an. Ils sont encore dans leur phase de lune de miel où tout est rose. Leurs parents s’en doutent, mais le sujet a toujours été soigneusement évité.

Avery et Ryan viennent de se rencontrer. Ils craignent encore que tout déraille.

Cooper, lui, est profondément seul. Il combat cette solitude en discutant sur internet avec des inconnus qui n’en veulent qu’à son corps et sa jeunesse. Cette situation lui convient. Jusqu’au jour où il découvre qu’il peut se sentir encore plus seul.

Dans ce roman choral, David Levithan se pose comme un observateur de cette jeunesse plus libre que la sienne, mais finalement pas si libre que ça.

Qui est David Levithan ?

Né en 1972 dans le New Jersey, David Levithan est un auteur et éditeur américain de littérature pour jeunes adultes. Il publie son premier roman, Boys Meet Boys, en 2003. Il est aujourd’hui l’auteur d’une vingtaine de romans. Il en a écrit une dizaine d’autres en collaboration avec Rachel Cohn, John Green, ou encore David Ozanich et Chris Van Etten.

Il est également le fondateur de la maison d’édition de littérature pour jeunes adultes PUSH, qui cherche à découvrir de nouveaux auteurs et de nouvelles voix.

Comment a-t-il atterri sur ma table de chevet ?

J’avais entendu parler de ce roman dans le deuxième épisode du podcast Ma bibli dans le placard, d’Enzo Daumier, dont je vous ai déjà conseillé la lecture du roman Le Youtubeur. J’avais alors noté le titre du roman de David Levithan dans un coin.

Quand une lectrice du blog, Aurélie, l’a cité dans une liste de livres LGBT dont elle me conseille la lecture, j’ai ressenti l’urgence de courir à la librairie gay de Paris, Les mots à la bouche, pour l’acheter.

Mon avis

Même si le roman reprend des thèmes « classiques » de la littérature pour jeunes adultes gay, avec des romances naissantes, l’angoisse d’être homosexuel dans un monde homophobe ou la fougue de la jeunesse, l’angle est radicalement différent des autres titres du genre. La narration que nous propose David Levithan est originale. Exit la focalisation interne, nous voici dans un récit raconté par la voix collective de tous les morts du sida dans les années 1980.

Ce jeu permet de mettre en évidence combien le monde a changé entre la génération terrassée par le sida et celle captivée par les écrans. Par cette astuce, l’auteur permet à son jeune lectorat de découvrir, sans la « lourdeur » habituelle des livres traitant du sida, ce que cette génération a connu, et de montrer comment le monde a changé et comment l’étau s’est desserré sur les jeunes LGBT.

Le regard porté sur cette jeunesse est attendrissant, voire admiratif, mais pas naïf. Le monde a évolué, mais des drames continuent de se vivre tous les jours au sein des foyers occidentaux, voire de nos adolescents gay, lesbiens, trans, etc. David Levithan arrive à nous le faire vivre grâce à la construction chorale du roman.

Choral, il l’est à double titre, puisque les narrateurs forment un chœur comme dans les épopées antiques. Loin de suivre les aventures d’Ulysse et d’Achille, c’est ici celle, pas moins complexe, d’Harry et Craig que nous suivons. L’unité de temps restreint (presque deux jours au lieu de 24 heures), le rapproche aussi de la forme classique du théâtre. Théâtre, c’est le cas de le dire ! puisque ce roman m’a également fait penser à Angels in America, sans prétention, mais pas sans finesse.

Même si l’astuce narrative du chœur constitue la force du roman, j’ai trouvé sa lecture compliquée au démarrage, car dès les premières pages tous les personnages arrivent, se bousculent, sans caractéristique particulière dans leur description. Jusqu’à la moitié du livre, je confondais tous les personnages. Heureusement, par la suite, le récit de leurs aventures a permis de retrouver nos petits.

Devez-vous lire ce livre ?

Si vous êtes anglophones, oui. C’est d’ailleurs dommage qu’il ne soit pas encore traduit en français, je suis certain qu’il plairait aux lecteurs francophones. Il est simple, léger et se lit très bien. Même s’il s’adresse à un public jeune, le divertissement qu’il propose n’empêche pas d’être pédagogique. Alors, pourquoi ne pas l’intégrer aux listes de lecture de nos jeunes lycéens ?

Citation

Nous avons envie de réveiller Cooper. Nous avons envie de faire que le bruit de la porte qui s’ouvre soit plus fort. Nous avons envie que les pas du père grondent comme le tonnerre, mais ils soufflent comme la brise. Son père sait comment s’y prendre, sa colère gonflant en silence. Il se penche sur son fils et découvre les vestiges des conversations de la nuit dernière. Certaines sont à peine des conversations, un patois las. Quoi de 9 ? Pas grand-chose. Toi ? Pas grand-chose. Mais d’autres sont crus, sexuels, explicites. Voilà ce que j’aimerais te faire. C’est ça que tu veux ?

Two Boys Kissing, David Levithan.

Où le trouver ?

En bibliothèque ou librairie, neuf ou d’occasion, numérique ou papier, avec les informations suivantes : Two Boys Kissing, David Levithan, Alfred A. Knopf, 2013.

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« Tuer le bon gay » d'Étienne Bompais-Pham, Prix du roman gay 2021 / Premier roman
About author

Étienne Bompais-Pham est l'auteur du roman Tuer le bon gay, paru aux Éditions Maïa et Prix du roman gay 2021, catégorie Premier roman. Il est également critique de romans gay pour la LGBThèque, mais aussi pour le podcast Homomicro et la revue littéraire L'Autre Rive.
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