Littérature générale

Les Nuits fauves : entre chiennes et louves

Avec son roman culte Les Nuits fauves, Cyril Collard fait entrer dans la littérature contemporaine le sida, la bisexualité et la débauche.

En résumé

Il a 30 ans. Il est chef opérateur au cinéma. Il aime les femmes et les hommes. Il se laisse consumer par la drogue et le sexe. Sous les ponts, dans les parkings, pendus à des harnais de cuir… Il vit entre chien et loup.

Deux rencontres vont bouleverser sa vie. La première : Laura, 17 ans. C’est le début d’une histoire d’amour ou de sexe dévorante et destructrice. La seconde : le sida.

Les Nuits fauves sont cette ouverture au monde qui naît, alors que son corps commence à mourir. Ce poids qui pèse sans arrêt sur ses épaules et qu’il tente d’oublier. Pour vivre. Pour combien de temps ?

Qui est Cyril Collard ?

Né en 1957 et mort du sida en 1993, Cyril Collard était un acteur, réalisateur, musicien et écrivain français. Bisexuel, il revendiquait des pratiques sexuelles à risque.

Il révèle sa séropositivité en 1989. Il est replongé sur le devant de la scène en 1992 à la sortie de son adaptation des Nuits fauves, film qui deviendra culte auprès de la jeunesse de l’époque gourmande d’expériences, car évoquant sans tabous tous les plaisirs et bien des transgressions, comme l’urophilie, le sadomasochisme, la prostitution…

Comment a-t-il fini sur ma table de chevet ?

Film gay culte, un très bon ami me parle de ce film depuis des années. Comme j’ai réussi à mettre la main sur le livre avant le film, je me suis dit…

Mon avis

C’est un excellent roman bien ancré dans son époque. Dès les premières pages, j’ai pensé à 37°2 le matin de Philippe Djian, sorti en 1985, dans son écriture sans fioriture, son histoire sans filtre et cet amour violent, destructeur et impossible à rompre. Fan des premiers romans de Philippe Djian, j’ai adoré me plonger dans ce style et cet époque.

Les nuits fauves, pour Cyril Collard, sont ces instants, entre chien et loup, où tous les chats étant gris, il peut assouvir ses pulsions. Il parle de « fauve », comme je pourrais parler de « débauche » ou de « luxure ». Cet aspect du roman est extrêmement intéressant, parce qu’il fait parti d’un contexte et ne se trouve pas le cœur du sujet. C’était le cas dans Tricks de Renaud Camus, sorti plus de dix ans avant, et donc passé inaperçu du lectorat non-LGBT. En s’intégrant dans une histoire d’amour, la transgression sexuelle devient normale.

Hélas, ce libertinage normal devient perversion dès lors qu’il s’associe ici au sida. Celui qui a le sida est bien le pédé qui se fait prendre sous les ponts entre cinq et sept. Il ne peut en être autrement. C’est comme un châtiment.

Habitué aux romans de Hervé Guibert, édifiant sur le sujet de la maladie, j’ai trouvé ce roman très intéressant. Le mal intérieur ne vient pas de l’extérieur chez lui, c’est une fatalité et la source de sa culpabilité. Il se sent criminel et le sida est une arme par destination où le sexe devient un crime. Cela permet de clore une décennie qui s’est ouverte en 1982 par la dépénalisation de l’homosexualité.

Enfin, j’ai adoré l’utilisation scénaristique et stylistique du répondeur téléphonique. C’était très intelligent – et moderne pour l’époque, j’imagine. Il a contribué à me plonger dans une époque que je n’ai pas connu, bien avant l’instantanéité des réseaux sociaux, mais tout aussi envahissant et addictif !

Devez-vous lire ce livre ?

Oui. Ce roman est un classique gay. Il permet de comprendre comment des homosexuels continuaient de vivre sous le poids social de la maladie, avant ses impacts visibles et sensibles sur la santé.

Citation

Un autre travesti entre dans le bar. Elle fonce vers notre table, moitié riant, moitié pleurant, embrasse Mia sur les joues et moi sur les lèvres en disant : « Salut chéri ! » Mia lui demande ce qui se passe. Elle dit qu’elle était dans un bar et qu’un mec, un vrai pas un pédé, la regardait. Alors elle lui a rendu ses sourires et ils ont fini par se parler. Le type l’a emmenée chez lui, et là, il a soulevé sa jupe et a commencé à lui faire une pipe alors qu’elle s’attendait à des assauts de virilité. Elle rit, elle pleure, elle dit : « Tu te rends compte, avoir été pris depuis le début pour le contraire de ce qu’on veut montrer ! »

Les Nuits fauves, Cyril Collard.
Couverture du roman Les nuits fauves de Cyril Collard

Où le trouver ?

En bibliothèque ou librairie, neuf ou d’occasion, numérique ou papier, avec les informations suivantes : Les Nuits fauves, Cyril Collard, Flammarion, 1989.

Un autre blogueur en parle

Vous avez lu le livre ? Qu’en avez-vous pensé ? Sinon, le film vous a-t-il donné envie de lire le roman ? Partagez votre avis en commentaire.

Présentation de Cyril Collard écrit grâce à la notice de l’auteur dans le dictionnaire de la littérature gay Une bibliothèque gay idéale, sous la direction de Thierry Goguel d’Allondans et Michaël Choffat, paru en 2020 aux Éditions de L’Harmattan.

« Tuer le bon gay » d'Étienne Bompais-Pham, Prix du roman gay 2021 / Premier roman
About author

Étienne Bompais-Pham est l'auteur du roman Tuer le bon gay, paru aux Éditions Maïa et Prix du roman gay 2021, catégorie Premier roman. Il est également critique de romans gay pour la LGBThèque, mais aussi pour le podcast Homomicro et la revue littéraire L'Autre Rive.
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