Littérature générale

Cortisol Queen : retour aux racines du mal

Avec Cortisol Queen, Arnaud Arseni signe un roman juste, touchant et attachant qui aborde des sujets sensibles avec tact : sexualité, dépression et homophobie.

L’histoire

Alors qu’il est en train de coucher avec un garçon de passage, Lou, 35 ans, reçoit un message : Sacha est mort. Il rentre alors chez sa mère pour assister à l’enterrement de celui qui fut son meilleur ami.

C’est le moment pour lui de replonger dans ses années collèges où il a fait la rencontre de Sacha, avec qui il va partager découverte de l’homosexualité, du sexe, de l’alcool, mais aussi des moqueries, insultes et coups. Ils luttaient contre les mêmes démons dépressifs. Mais des deux, Sacha était le plus fort. Alors si lui n’a pas résisté au suicide, comment Lou va-t-il pouvoir y survivre ?

Alternant entre le temps passé du lycée et le temps présent de la reconstruction, le roman suit la vie décousue de Lou, dépressif en proie à des démons internes et externes.

Qui est Arnaud Arseni ?

Arnaud Arseni est né à Liège, à l’est de la Belgique, en 1983.

Fort de ses passions pour le cinéma, l’écriture scénaristiques et la musique, et nourri par ses engagements pour la défense des droits des personnes LGBT, il écrit son premier roman Cortisol Queen en 2019. Ce dernier paraît deux ans plus tard et obtient le Coup de cœur du Prix du roman gay 2021.

Comment a-t-il fini sur ma table de chevet ?

J’ai entendu parler de ce roman pour la première fois dans l’émission Homomicro où il était invité. Ce que racontait Arnaud Arseni sur une sexualité libérée et torturée m’a intéressée. Je voulais l’acheter. Puis le temps a passé. C’est quand je l’ai rencontré lors de la remise du Prix du roman gay 2021 que je me suis lancé : il ne fallait plus tarder.

Mon avis

J’ai adoré ce roman. Tous les personnages sont justes, attachants et touchants.

J’ai trouvé le traitement de la dépression par Arnaud Arseni juste. Il ne cherche pas à expliquer l’origine de son mal-être : il nous montre la réalité de cette maladie.

L’homophobie est traitée de manière très intéressante et sous différentes formes : les agressions, les refus d’agir, les commentaires, l’humiliation, le refus de soigner de la part de personnels soignants, etc. Ce livre peut se montrer très instructif pour certains hétérosexuels qui peuvent penser que l’homophobie relève du passé.

Souvent quand des romans présentent en alternance des scènes de l’enfance et des scènes de l’âge adulte, j’ai tendance à préférer le passé et à m’ennuyer dans le présent. Ici, les deux ont retenu mon attention. J’étais aussi impatient de retrouver le Lou à 15 ans qu’à 35 ans. Les deux avaient quelque chose à me montrer et résonnaient en moi.

Le style est simple et sans fioriture. J’aurais un seul bémol peut-être à souligner : je n’ai pas trop aimé le grand nombre de titres de musiques et la playlist du livre. Ne connaissant pas un certain nombre de titres (alors que je suis moi-même mélomane), j’ai pu me sentir exclu par moment.

Le cortisol est souvent appelé l’hormone du stress. La cortisol queen est donc la reine des stressée. Tout est dit dans le titre. Brillant.

Devez-vous lire ce roman ?

Oui. Ce livre est un bijou. Certaines scènes peuvent en choquer certains, notamment celles présentant une forme d’homosexualité ordinaire qui peut sembler excessive, soit celle d’un homme gay qui enchaîne les rencontres sans lendemain. Mais ce n’est pas grave : ce livre, dans tout ce qu’il montre, doit secouer.

Citation

Me voilà, quelques semaines plus tard, devant un pharmacien qui me dévisage et m’interroge d’un regard suspicieux. Dans l’hypothèse où il n’arriverait pas à déchiffrer l’écriture parfaitement lisible de l’infectiologue, je lis ma prescription à haute voix.

– Tenofovir Disoproxil, 245 milligrammes. Trois boîtes, s’il vous plaît.

L’homme fronce les sourcils et s’enfonce dans son arrière-boutique. Il en revient quelques secondes plus tard avec trois flacons en main. Il les dépose sur le comptoir sans me regarder, pianote quelques données sur son ordinateur, me tend la note d’un geste sec et crache ce qu’il a sur le cœur.

– Vous savez combien vos conneries coûtent à la Sécu ?

Je reste figé, à moitié choqué. Je le sentais venir. Ma résistance à la frustration a des limites ; je souris, inspire profondément et plonge mon regard dans le sien.

– Vous savez combien VOS conneries coûtent à la Sécu ? dis-je en serrant les dents.

– Pardon ?

– La prévention vous connaissez ? Ca vous parle ou je dois vous apprendre votre métier ?

– Je ne vous permets pas.

– Et moi, vous pensez que je vous ai permis de me juger ? Vous ne vous êtes pourtant pas fait prier. Vous savez combien de tests et d’entretiens j’ai dû passer pour avoir accès à ce traitement ? Vous savez comment la procédure est balisée et contrôlée ? Vous connaissez les médecins qui valident et prescrivent ce traitement ou vous pensez qu’il est simplement de votre droit de remettre leur travail en question ?

J’avoue, j’avais bossé le dossier. Il me semblait normal de potasser un minimum de littérature scientifique avant d’imposer une nouvelle molécule à mon organisme.

– Monsieur, je voulais juste attirer votre attention sur le fait que ce médicament est onéreux…

– Et vous pensez que je l’ignore ? Vous pensez que je prends n’importe quoi sans me renseigner ? Il y a d’autres traitements qui coûtent la peau du cul, vous faites la remarque à tout le monde ou simplement aux pédés ?

Cortisol Queen, Arnaud Arseni.

Où le trouver ?

En bibliothèque ou librairie, neuf ou d’occasion, numérique ou papier, avec les informations suivantes : Cortisol Queen, Arnaud Arseni, Mix Editions, 2021.

Un autre blogueur en parle

Cette lecture est un coup de cœur et je la recommande sans hésiter. Cet auteur est à suivre avec intérêt…

Éric pour Toshokan

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« Tuer le bon gay » d'Étienne Bompais-Pham, Prix du roman gay 2021 / Premier roman
About author

Étienne Bompais-Pham est l'auteur du roman Tuer le bon gay, paru aux Éditions Maïa et Prix du roman gay 2021, catégorie Premier roman. Il est également critique de romans gay pour la LGBThèque, mais aussi pour le podcast Homomicro et la revue littéraire L'Autre Rive.
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