Dans son premier roman, En l’absence des hommes, Philippe Besson nous raconte l’amour en temps de guerre, l’homosexualité en 1916, l’amour à 16 ans et sa passion pour Proust.
L’histoire
Vincent a 16 ans quand il rencontre Marcel Proust, 45 ans, dans un salon parisien. Tout de suite, l’adolescent tombe sous le charme de cet homme que le Tout-Paris connaît et reconnaît. Ce n’est pas son statut d’homme de lettres ou sa notoriété qui attire Vincent, mais le regard sincère et d’égal que l’auteur lui accorde. Il se sent intéressant et se passionne pour cet homme qui a trois fois son âge.
Alors que cette amitié naît, le fils de sa gouvernante, Arthur, 21 ans, rentre du front pour une permission de 7 jours. Dès le premier soir, le soldat lui avoue ses sentiments et le jeune Vincent découvre l’amour avec un homme.
Le roman raconte ces deux relations étranges pour Vincent, dans un temps très court, mais qui le bouleverseront. L’un par les sentiments qu’il va découvrir et la honte qui l’accompagne. L’autre par la sagesse et la fascination qu’il suscite chez Marcel.
Qui est Philippe Besson ?
Philippe Besson, né en 1967 à Barbezieux-Saint-Hilaire, est un auteur emblématique en France. Avec ses romans profondément gay, il est un des rares auteurs LGBT à rayonner largement en France chez tous les lecteurs. Plusieurs de ses romans ont été adaptés au cinéma. Il a réalisé des documentaires pour la télévision et anime aujourd’hui une chronique hebdomadaire dans Europe Soir, sur Europe 1.
Son premier roman, En l’absence des hommes, a rencontré un succès critique et public, et a été récompensé par le prix Emmanuel-Roblès.
Autre livre de l’auteur conseillé dans la LGBThèque
Comment a-t-il atterri sur ma table de chevet ?
J’ai découvert et lu ce roman quand j’avais une quinzaine d’années, grâce au vieux moteur de recherche de la bibliothèque municipale de ma petite ville de province. Il a été le second roman à apparaître quand j’ai tapé « homosexuel » dans l’outil. Les autres titres étaient seulement des essais et des études sur l’homosexualité. Autant dire que, jamais au grand jamais, je n’aurais apporté chez mes parents un livre où le mot « homosexualité » barrait la couverture. J’ai pris les deux qui sortaient.
Mon avis
À 15 ans, je cherchais un roman qui me permettait de comprendre qui j’étais et de ne plus me sentir seul. « Normal », ça aurait été trop dire, je savais que je ne le serais jamais. Mais j’avais besoin au moins de trouver des semblables.
À 15 ans, en plus de ne pas répondre à ce besoin primaire, En l’absence des hommes a été totalement abscons. Je n’ai pas compris que Marcel était un auteur célèbre. Je ne me suis pas reconnu dans cet amour avec un soldat.
À 33 ans, ayant eu moi-même eu une longue passion pour Marcel Proust (qui n’a pas démarré à 15 ans, vous l’aurez compris) qui s’est arrêtée à la lecture de Sodome et Gomorrhe, dont je parlerais sûrement un jour, En l’absence des hommes m’a fasciné. C’est clairement un roman de groupie pour Proust qui rend hommage à cet auteur. Et ça m’a plu. J’ai adoré retrouver la vie de l’auteur et les images de La Recherche dans les pages de Philippe Besson.
Le roman est très intelligent (ce que je n’étais pas adolescent). Il rappelle Thomas Mann et son Mort à Venise dans sa relation entre un vieil auteur et l’adolescent, à qui Philippe Besson envoie un clin d’œil (voir la citation ci-dessous). Il ne donne jamais le nom de Marcel Proust, mais utilise suffisamment de tours et détours pour nous mettre sur la route sans difficulté.
Son style est fin et maîtrisé comme rarement dans un premier roman. La narration s’écrit en tu quand le narrateur raconte son histoire avec le soldat, et en vous quand il s’agit de Marcel Proust. Même si le roman renferme énormément de discours rapportés, Besson ne recourt jamais au guillemet et au tiret, comme pour composer davantage un journal qu’un roman. En cela, on ne peut s’empêcher de penser à Marguerite Duras, dont il se rapprochera du style au fil des romans, avec la multiplication des « il dit », « je dis », « vous dites »…
J’ai adoré les thèmes qu’il y développe. La mort qui rôde, qui pèse sur la tête du soldat et de l’asthmatique. La vie qui doit se poursuivre, qui paraît indécente et pourtant nécessaire. Je n’ai bien sûr pas pu m’empêcher de penser qu’il s’agissait moins d’un roman sur la Première Guerre mondiale que sur les années sida, sur cette époque où se divisent les homosexuels qui savent qu’ils vont mourir, mais jamais quand, et ceux qui survivent, mais ne le voudraient pas.
J’ai beaucoup aimé ce roman, même si j’ai eu l’impression qu’il s’essoufflait à la moitié. En revanche, je trouve que la « révélation », ou le twist final, n’était pas nécessaire, voire de trop. Dites-moi ce que vous en avez pensé en commentaire.
Devez-vous lire ce livre ?
Si vous êtes fan de Marcel Proust, je vous le recommande, voire vous l’impose. L’exercice de style vous amusera autant que moi. Si vous ne connaissez pas l’auteur et n’en avez rien à faire, je pense que, comme moi à 15 ans, vous passerez à côté. Ce n’est pas grave, l’œuvre de Besson est suffisamment importante pour que vous y trouviez votre bonheur. Jetez un œil à « Arrête avec tes mensonges », vous serez comblé !
Citation
Les personnages considérables ne peuvent pas perdre beaucoup de temps à regarder des jeunes qui ne sont rien.
En l’absence des hommes, Philippe Besson.

Où le trouver ?
En bibliothèque ou librairie, neuf ou d’occasion, numérique ou papier, avec les informations suivantes : En l’absence des hommes, Philippe Besson, Julliard, 2001.
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