Avec son premier roman Normal(e), Lisa Williamson propose un beau livre pour jeunes adultes sur la transidentité.
L’histoire
Nous sommes dans une petite ville de Grande-Bretagne. David est au lycée privé d’Eden Park. Hormis ses amis Essie et Felix, il n’a pas beaucoup d’amis. Le reste du lycée, en tête de qui Harry, le considère comme un monstre depuis ses huit ans. Pourquoi ? Parce que lors d’un exercice commun où la maîtresse a demandé à tout le monde d’écrire ce qu’il voulait être plus tard, avant de lire devant toute la classe ce qu’il a noté, David n’a pas déclaré vouloir être footballeur, Premier Ministre ou Harry Potter, comme tous les gamins « normaux ». Non, lui a noté : Je veux être une fille.
Normal(e) nous propose de suivre le quotidien de cette jeune fille piégée dans un corps d’adolescent. Des difficultés de voir son corps prendre tous les jours de plus en plus les attributs masculins, aux regards violents de ses camarades, en passant par le sentiment de solitude qui l’étreint lorsqu’elle se retrouve seule dans son lit le soir, alors que le monde s’amuse, de ses parents à l’ensemble du lycée (et même sa petite sœur !).
Mais sa vie change lorsqu’un garçon arrive de Cloverdale, une ville voisine pauvre réputée pour ses cas sociaux. Leo est taciturne, ne se mélange pas et traîne une sale réputation. Pourtant, ce garçon l’envoûte. Et elle ne sait pas pourquoi…
Qui est Lisa Williamson ?
Lisa Williamson est née à Nottingham en 1980. Elle commence sa carrière d’artiste sur les planches. Entre deux rôles, elle assurait des boulots alimentaires et notamment au Service de Développement de l’Identité de Genre, un service spécialisé de la NHS dédié au jeunes gens en conflit avec leur identité de genre. Les histoires qu’elle a pu entendre à cette époque lui ont inspiré la création d’un personnage de fiction en proie aux mêmes questionnements : David.
Comment est-il arrivé sur ma table de chevet ?
Je flânais dans ma magnifique bibliothèque parisienne qui a décidé de mettre en avant tous les livres proposés à la censure par les États-Unis, notamment ceux proposant des personnages LGBTQI+. La couverture de ce livre a capté mon regard. Je n’ai pas hésité et l’ai emprunté. Et j’ai eu raison de le faire.
Mon avis
Ce livre est très bien construit et la traduction, assurée par Mathilde Tamae-Bouhon, vraiment fine. Elle a réussi l’exploit, selon moi, de ne jamais mégenrer David sans que cela se voie. En outre, dès le milieu du livre, un rebondissement survient que je n’avais pas absolument pas vu.
J’ai peu lu de livres sur la transidentité et je trouve que celui-ci présente bien les tourments vécus par les personnes transgenres. En effet, aujourd’hui, l’homosexualité est globalement acceptée (voire tolérée dans certains endroits). Dans le milieu socioprofessionnel et culturel dans lequel grandit David, la question de la sexualité ne se pose pas… mais celle du genre ? C’est toujours une problématique jamais anticipé par les parents que vivent mal les enfants concernés.
J’ai quelque peu été perturbé par la double focalisation interne parfois assurée par David, d’autres fois par Leo. Certes les deux points de vue sont intéressants, mais la structuration de la narration complique la lecture. Nous n’avons pas d’alternance mécanique entre les deux personnages qui permettrait de s’y retrouver, ni de titre de chapitre Leo/David. Il m’est arrivé de commencer un chapitre et de me rendre compte après une page qu’il s’agissait de Leo et non de David comme je le pensais, et vice-versa. Ce n’est pas dérangeant à la lecture, mais ça m’a perturbé parfois.
Cela étant, cette double focalisation permet de se plonger dans la vie de Leo que je trouve très juste : le père est parti alors qu’il était enfant, la mère est accro à l’alcool, la cigarette et le jeu, et a dû mal à se mettre en couple et à assurer de la stabilité aux enfants. Pour avoir connu ces sujets de près ou de loin, j’ai trouvé cette partie très intéressante.
Ce roman est un livre qui ressemble à tous les livres pour jeunes adultes, mais le fait qu’il se situe au Royaume-Uni le rapproche vraiment de notre vécu européen. Ça fume, ça boit (trop ?), ça jure et c’est bien ! Lisa Williamson nous propose véritablement un young adult avec de la rugosité, ce qui peut parfois manquer aux américains.
En somme, c’est un très beau livre qui apporte plein d’espoir, sans masquer la réalité de la transidentité, idéal pour les enfants et adolescents en proie aux questions relatives à leur identité de genre. La fin notamment est belle et j’ai eu envie de continuer de suivre David dans son évolution. Rester sur ma faim montre combien j’ai pris de plaisir à déguster cette histoire.
Devez-vous lire ce roman ?
Oui, nous devrions tous lire ce livre : il incarne la transidentité, met des mots sur des maux et de la beauté, et se lit parfaitement bien. Offrez-le tous à vos ados !
Citation
Me faire maquiller par maman constitue sans doute l’une des expériences les plus surréalistes de ma vie (sans parler de la sienne). C’est presque aussi fou que d’avoir pour spectateur Felix, assis sur mon lit, déguisé en souris. Papa rentre du bureau et nous commande des pizzas (ainsi qu’une salade pour Felix) avant de déposer Livvy chez Cressy. Les choses prennent un tour encore plus fantastique lorsque je m’assieds à la table de la cuisine, en peignoir, impeccablement maquillée, pour dévorer une part de pizza hawaïenne avec mes parents comme si c’était la chose la plus normale du monde.
Normal(e), Lisa Williamson

Où le trouver ?
En bibliothèque ou librairie, neuf ou d’occasion, numérique ou papier, avec les informations suivantes : Normal(e), Lisa Williamson, Hachette, 2017.
D’autres blogueurs en parlent
J’ai été émue par les deux, mais aussi par l’écriture de l’auteure qui est à la fois simple, mais aussi très douce je trouve. C’est très sûrement le premier livre sur la transsexualité qui m’a fait passer par toutes les émotions. De la joie, de la tristesse, de la pitié, du rire. Car les personnage de David et Léo sont les voix de toute une génération. Une génération qui se sent enfin vivante, malgré les jugements des autres.
Les lectures d’Hatchi
J’ai beaucoup aimé les sujets qu’aborde ce roman Young Adult, à savoir : le changement de sexe lors de l’adolescence, l’acceptation de l’entourage, la transidentité. Je regrette un peu la trame assez classique de l’histoire, et l’écriture que j’ai trouvée très plate. Un livre avec une thématique importante qui m’aura fait passer un bon moment.
Carnet parisien
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